Cette affirmation pourrait choquer certains, tant elle est loin des idées reçues, mais elle est absolument exacte. Il y a, il est vrai, de rares exceptions dans des zones géographiques spéciales comme les petites îles. Nous allons expliquer les détails ci-dessous de façon très didactique pour que le grand public et les naturalistes comprennent enfin que les espèces qui nous dérangent ne sont pas des nuisibles mais des populations sélectionnées par les écosystèmes qui tentent de survivre aux destructions, modifications profondes, pollutions et sur-exploitations que nous leur imposons.
Si vous n’avez pas une compréhension bien claire de la notion d’écosystème, cliquez ici, c’est un article très didactique que nous avons rédigé sur le sujet.
Nous allons énoncer des faits démontrés que nous allons illustrer avec des exemples très accessibles pour tout le monde.
A. Une espèce envahissante fait un “travail” que les autres ne font plus
Si une espèce voit soudainement sa population augmenter de façon spectaculaire, c’est parce qu’elle s’engouffre dans une niche écologique laissée vacante par des espèces qui ont diminué ou disparu.
Voyons un exemple très simple. Comme expliqué ici dans un article grand public du journal “Le Monde”, il existe des centaines ou des milliers d’hyménoptères (abeilles, bourdons, etc.) pollinisateurs. Toutefois, l’homme les affaiblit avec les techniques agricoles industrielles, notamment les pulvérisations, au point que des régions entières se retrouvent sans pollinisateurs. L’homme se voit réduit à polliniser ses plantations à la main ou, pire, inventer des abeilles électroniques, les “robobees“. L’humain trouvera des solutions pour se nourrir, mais sans pollinisateurs, ce sont toutes les plantes sauvages qui vont disparaître. Dans une telle situation, si une espèce d’abeilles ou de bourdons arrivait à survivre aux pesticides, il deviendrait envahissant car il devrait faire le travail de centaines d’espèces ! Rappelons que ces centaines d’espèces n’ont pas disparu à cause de lui ; son abondance est une conséquence de la disparition des autres. Il est toutefois une solide bouée de sauvetage pour l’écosystème et une grande chance pour l’avenir. Cet exemple semble flagrant, mais si le rôle de chaque espèce n’est pas toujours aussi évident pour les personnes n’étudiant pas l’écologie, toutes les espèces animales comme végétales ont un tel rôle, et si une espèce devient “envahissante”, c’est que l’écosystème en a besoin. Lutter contre ces populations conduit donc à affaiblir les écosystèmes, avec comme conséquence la perte de biomasse et forcément de biodiversité à plus ou moins long terme.
B. Les espèces envahissantes sont une chance pour les autres espèces
En s’insérant dans la chaîne d’interactions, l’espèce envahissante dynamise l’écosystème dans l’intérêt de la majorité.
L’ajout d’une espèce manifestement adaptée à l’habitat transformé tel qu’il est aujourd’hui, offre de la nourriture, de la fertilisation, un habitat, un pollinisateur ou un “dissémineur” de graines ou de fruits qui va aider les autres maillons qui en ont besoin.
L’homme est tellement habitué à une vie de concurrence et de conflit qu’il voit avant tout une espèce abondante nouvelle comme “concurrente” des autres. C’est une vision superficielle souvent fausse, mais il faut apporter deux précisions.
La première est que la concurrence est un avantage pour l’écosystème. Référez-vous à l’exemple des pollinisateurs plus haut. Si l’écosystème n’avait qu’un pollinisateur, le danger au cas où il serait décimé par une maladie, par exemple, serait grand. S’il y a plusieurs pollinisateurs concurrents, la concurrence va renforcer l’adaptation et la spécialisation de chacun, et si l’un disparaît, il reste les autres pour faire le travail. Cette concurrence est saine et avantageuse. Il y a un exemple passionnant avec le Martin-chasseur à tête grise aux îles du Cap Vert qui mange ce que mangeraient les guêpiers s’il y en avait sur l’île. Comme il n’y en a pas, le martin-chasseur joue aussi le rôle d’un guêpier ; le jour où des guêpiers s’installeraient, il devrait raccourcir l’amplitude de ses choix alimentaires et se concentrer sur une nourriture plus “normale” pour lui.
La seconde est que lorsqu’une espèce “locale” semble persécutée par une autre, c’est bien souvent qu’elle est déjà affaiblie. L’écosystème ayant besoin de composantes fiables, il est normal qu’il favorise celles qui sont les plus dynamiques. Autrement dit, s’il ne restait que quelques rares abeilles survivantes aux pesticides dans une région, l’arrivée d’un envahissant pourrait précipiter la disparition de l’abeille menacée mais c’est pour un mieux : remplacer un pollinisateur devenu (par la faute humaine) incapable de faire son travail par une espèce qui fait le travail au mieux. Comme un conducteur de voiture préfère une roue de secours fonctionnelle même si elle n’est pas “d’origine” que le pneu d’origine à moitié crevé.
Le seul bémol à cette seconde remarque est le cas d’espèces endémiques à de petites îles : leur disparition éventuelle étant irréversible, on pourrait regretter ce remplacement. Sans alourdir ici l’article, sachez qu’en Europe continentale il n’y a aucune espèce globalement menacée dont une espèce envahissante, introduite ou non, pourrait précipiter la chute.
Voyons un exemple concret. Les plantes du genre Lantana (notamment Lantana camara) sont considérées comme les plus envahissantes parmi les végétaux en Afrique et en Australie (originaires du nord de l’Amérique du Sud). Les naturalistes tentent de les retirer, arracher, et même certains pulvérisent pour les éradiquer (source en anglais).
Pourtant, Lantana sauve des espèces en danger ! En effet, voyons par exemple un des oiseaux les plus rares au monde, l’Apalis à long bec (sa fiche sur BirdsoftheWorld). Selon cette référence ainsi que Birdlife International, sa population mondiale est comprise entre 30 et 200 individus, ce qui est un stade de quasi-disparition pour un petit oiseau de moins de 10 grammes. Il existe bien des réserves forestières dans les monts Usambara (Tanzanie) où elle vit, mais les réserves protègent surtout des forêts matures. Or, l’apalis a besoin de sous-bois denses qui existent en lisière, le long des rivières ou dans les clairières. Tous ces milieux ont disparu et cela explique que l’apalis soit aussi en train de disparaître. Toutefois, les Lantana étant très difficiles à couper ou arracher, elles se développent en dehors des réserves forestières et offrent un nouvel habitat pour l’apalis. Cette espèce pourra donc survivre et reconstituer une population viable à la seule condition que les naturalistes ne retirent pas les Lantana sous prétexte que c’est un introduit envahissant. Cela nous mène au point suivant, car les Lantana ne vivent que dans les zones habitées, exploitées et dégradées et pas dans les réserves forestières.
C. Les envahissants utilisent des milieux dégradés
Les envahissants sont une conséquence de la dégradation des milieux et de la disparition des espèces qui étaient adaptées à ce milieu avant les interventions humaines, et non pas la cause.
C’est une conséquence logique des explications des chapitres précédents. Les espèces envahissantes n’existent que dans les milieux dégradés par l’homme. De même que les Lantana ne se retrouvent pas dans les forêts naturelles des monts Usambara en Tanzanie, on remarque partout que les espèces introduites et envahissantes ne se développent que dans les écosystèmes affaiblis par les activités humaines. Si l’écosystème accepte cet envahissant, c’est qu’il en a besoin car il est bancal en son absence. L’envahissant est donc un atout, une chance, un espoir de redresser une situation qui est mauvaise. C’est une réalité difficile à comprendre pour beaucoup d’observateurs européens car il n’y a virtuellement plus de milieux naturels en Europe. Toutefois, si vous recherchez dans les rares milieux naturels restants : en très haute montagne alpine ainsi que dans la toundra et la taïga (en Scandinavie, en Sibérie)… vous verrez qu’aucune espèce envahissante ne s’y développe. Ce n’est pas lié au froid. Aux Émirats Arabes Unis, pays chaud et désertique, la plupart des savanes arides à épineux ont été détruites au profit de jardins arrosés, petites cultures pulvérisées, routes, villes, autoroutes, ports, exploitations pétrolières, terrains de golf, etc. Dans tous ces habitats transformés, le Bulbul à oreillons blancs est considéré comme envahissant (il est probablement introduit, mais sans certitude). Toutefois, dans la seule zone protégée (parc national en projet), il est rare ou absent. C’est l’espèce locale, le Bulbul d’Arabie, qui y prospère. Puisqu’il est bien adapté à cet habitat naturel, il n’y a pas de risque que le Bulbul à oreillons blancs prenne sa place. De nombreux exemples sont remarqués en Australie, en Afrique et en Inde : voyez le Corbeau familier et sa relation au plastique comme exemple pour approfondir.
D. Introduit ou non, aucune différence !
Beaucoup de naturalistes dénoncent l’introduction d’espèces comme cause de la perte de biodiversité. Bien qu’il faille éviter toute introduction accidentelle et rejeter toute introduction volontaire, la présence d’un introduit envahissant est autant avantageuse pour l’écosystème et la planète (voir chapitre suivant) qu’un envahissant indigène.
Le dernier argument souvent entendu lorsque la démonstration qu’une espèce envahissante enrichit l’écosystème n’est plus discutable est : “oui mais elle est introduite”.
Réponse : “et alors ?”. Si l’écosystème a besoin d’une espèce pour faire un certain travail, s’il prend une espèce introduite, c’est qu’il n’a pas trouvé de solution parmi les espèces locales. Imaginez une île avec une flore et une faune strictement endémiques. La disparition de l’abeille locale endémique, qui serait dans notre exemple fictif l’unique pollinisateur, provoquerait la disparition du couvert végétal, donc un effondrement de l’écosystème avec disparition d’espèces en cascade. Dans un tel cas, l’arrivée, “naturelle” ou non, d’un pollinisateur capable de faire le travail de l’abeille est une grande chance de sauver ce qui peut encore l’être. Si l’homme refusait à l’écosystème d’utiliser cette solution, il saboterait les chances de préserver une majorité des espèces concernées.
Il faut toutefois relativiser la notion “d’introduit” ; voyons avec un exemple concret. Pourquoi n’y a-t-il pas de Psittacidae (perroquets, perruches) “indigènes” en Europe ? Cette famille est très bien représentée en Asie, en Australie, dans une majeure partie de l’Amérique et dans toute l’Afrique sauf la partie Paléarctique.
Il n’y a que deux possibilités de réponse : soit les habitats ne conviennent pas, soit cette famille n’est jamais arrivée dans le Paléarctique occidental. C’est l’occasion de rappeler que la plupart des espèces d’oiseaux européennes sont des anciennes espèces envahissantes. L’Europe étant quasiment sans vie en période glaciaire, elle se fait envahir d’espèces exotiques une fois les températures en hausse. C’est ainsi que “nos” hirondelles, guêpiers, tariers, traquets, fauvettes, hypolaïs, loriots, martinets, milans, coucous et autres sont tous des oiseaux africains alors que “nos” martins-pêcheurs, mésanges, grives, bruants, bouscarles et beaucoup d’autres sont d’origine asiatique.
On peut donc se demander pourquoi les perruches ou d’autres Psittacidae n’ont pas suivi ce mouvement. Si les habitats ne convenaient pas, comme ils ne convenaient pas à la Tourterelle turque, au Héron gardebœufs et à l’Élanion blanc, alors on comprend que c’est l’homme qui a rendu l’Europe propice à ces espèces qui sont donc arrivées “naturellement”… ou pas. Si c’est le cas pour les Psittacidae, leur arrivée est donc inéluctable et en important la Perruche veuve et la Perruche à collier, l’homme n’a fait que donner un coup de pouce et accélérer le mouvement. Certains pourraient arguer que, sans l’aide de l’homme, peut-être qu’une autre espèce serait venue naturellement. C’est exact : si la Perruche à collier serait certainement venue seule comme expliqué sur sa page, la Conure veuve d’Amérique du Sud n’était certainement pas une candidate probable à l’extension jusqu’en Europe. Cependant, quelle différence ? Si la nature avait plutôt amené le Perroquet de Meyer pour faire le travail qu’effectue aujourd’hui la Perruche veuve, cela change quoi, objectivement, pour l’écosystème ?
Notez aussi que les oiseaux les plus “envahissants” en Europe aujourd’hui appartiennent tous à des espèces qui sont parfois arrivées naturellement en Europe (en tant qu’accidentels) ou qui montrent une extension significative de leur aire de répartition qui ne laisse planer aucun doute sur le fait que leur arrivée naturelle en Europe n’était qu’une question de temps. Citons la Bernache du Canada, l’Ouette d’Égypte, la Perruche à collier, l’Ibis sacré et le Corbeau familier. Quoi que nous fassions, d’autres arriveront et le Martin triste est certainement un des prochains, sauf si l’homme l’en empêchait.
Notre affirmation qui prétend que l’origine d’une espèce ne change rien au problème est parfaitement illustrée par la Bernache du Canada. En effet, celle-ci est une introduite envahissante en Europe, et une indigène envahissante en Amérique du Nord. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, et les “solutions” de part et d’autres de l’Atlantique, qui consistent à les massacrer ou les stériliser, n’obtiennent aucuns bons résultats dans le nouveau monde comme dans l’ancien.
E. La biomasse des envahissants lutte contre le réchauffement climatique
Plus il y a de carbone “prisonnier” dans la biomasse, moins il y a de CO2 dans l’atmosphère.
Ce concept est assez simple mais souvent ignoré par les naturalistes qui manquent parfois d’une vision globale.
Sans entrer dans trop de détails, notons rapidement que : plus de biomasse = plus de vie, donc plus de biodiversité et plus de nourriture pour les humains aussi… et moins de CO2 dans l’atmosphère.
Or, sans intervention humaine, les écosystèmes tendent toujours à optimiser la biomasse : donc produire plus (la biodiversité étant un moyen mais pas une fin), ce qui implique donc plus de population animale comme végétale, plus de nourriture, etc., avec… du carbone pour constituer toute cette vie. Le carbone étant capté par les végétaux dans l’atmosphère en réduisant ainsi la quantité de CO2. En effet, en augmentant suffisamment la biomasse, on peut en finir avec le réchauffement climatique. Une vidéo détaillée est proposée sur Youtube.
F. Un outil pour profiter d’une nouvelle ressource
Si une espèce augmente, c’est qu’une ressource est disponible et que l’écosystème profite au mieux de cette ressource via l’espèce concernée.
Ayant pris comme exemple simple et compréhensible le cas des pollinisateurs, il est encore très facile de voir que la densité d’une espèce dépend de sa ressource. Si vous avez une population d’abeilles ou de colibris avec une certaine quantité de fleurs dans votre propriété, en doublant les fleurs, vous allez approximativement doubler le nombre d’abeilles ou de colibris. Ceci est valable pour tout : la quantité d’herbivore dépend de l’herbe disponible, la quantité de frugivores dépend des fruits disponibles, etc. Il en est de même pour les carnivores évidemment : la population de prédateur dépend des proies disponibles. Cela rappelle, s’il le fallait, que l’abondance d’une espèce n’est pas due “à l’absence des prédateurs” comme l’affirme souvent le grand public, influencé notamment par le lobby de la chasse, mais simplement à une abondance des ressources (explications détaillée dans un article plus récent).
L’exemple classique est le sanglier qui abonde en France. La raison est simple : les Suidae adorent les grains. Or, rappelons encore une fois que 77% des surfaces cultivées dans le monde sont destinés au bétail et, en Europe, la production végétale principale pour le bétail est le maïs. Les sangliers en raffolent. L’abondance des sangliers est donc une conséquence logique de la production de viande.
Pour l’écosystème ou ce qu’il en reste, le maïs étant une ressource majeure (imposée par l’homme), il utilise les outils disponibles pour l’exploiter. Les sangliers, les pigeons et d’autres granivores abondent donc nécessairement. Si nous n’aimons pas l’écosystème tel qu’il est avec nos productions agricoles, la solution est de changer nos méthodes agricoles. C’est un sujet majeur abordé dans plusieurs articles. L’un explique comment la production de viande décime la planète, un autre propose un mode de production agricole respectueux, “Agribashing” explique pourquoi l’agriculture est un conflit sans fin contre la nature et enfin voici un article sur le bilan écologique de la chasse.
G. Le concept d’espèce est problématique en soi
Si certaines espèces sont protégées et d’autres pas, comment faire avec les individus possédant des gènes des deux espèces ? Et si la définition choisie “d’espèce” provoque un changement de classification ?
Le problème de tout concept est qu’il a forcément ses limites. Tout le monde connait le mot “espèce”, certains en connaissent une définition, mais peu savent qu’il existe une vingtaine de définitions différentes et des milliers de populations existantes qui sont inclassables sans une bonne dose de subjectivité.
Nous approfondissons ce sujet dans les cours de Formation Ornitho. Voici notre leçon de taxonomie. Pour faire simple, souvenez-vous que tout régime d’apartheid ou ségrégationniste rejette les relations inter-raciales. Forcément, lorsqu’une loi s’applique à un blanc mais pas à un noir, son application à un individu issu d’un parent noir et d’un parent blanc devient inextricable. Or c’est exactement le souci pour toute vision spéciste de la conservation de la biodiversité, mot qui, par ailleurs, est relativisé du même coup.
Prenons un exemple concret. Un des oiseaux les plus “envahissants” de l’hémisphère nord est la Bernache du Canada. Elle est, pour cette raison, massacrée et chassée, parfois aussi stérilisée. Toutefois, la population du nord du Pacifique est en diminution et menacée, au point qu’un programme de ré-introduction est en place aux îles Kouriles. Comment justifier de massacrer d’un côté ce qu’on tente de ré-introduire de l’autre ? Malgré des efforts très orientés, il est impossible de séparer le taxon “leucopareia” menacé des autres taxons composant l’espèce Bernache du Canada : leur similitude est trop grande. La solution trouvée reste très subjective. On a séparé la Bernache du Canada en deux espèces en disant que les plus petites du nord et de l’ouest, qui migrent plus loin, deviennent la Bernache de Huntchins (incluant la fameuse leucopareia et quelques autres) et les autres, plus grandes et moins migratrices, restent la Bernache du Canada. Ainsi, on peut protéger l’une et massacrer l’autre. Sauf qu’il est presque impossible de différencier les plus petites Bernaches du Canada des plus grandes Bernaches de Huntchins et, surtout, nombre d’oiseaux sont intermédiaires, ayant des gènes des deux “espèces”. Le lecteur sceptique pourra vérifier ces informations sur BirdsoftheWorld. Des analyses plus poussées seront offertes sur ce site, le sujet est passionnant.
Conclusion
Il y a 11 ans, “Le Monde de l’Ornithologie”, un site internet en quelque sorte ancêtre de celui-ci, publiait un article sur les envahissants, lu plus de vingt mille fois. La conclusion était que, dans le doute sur les risques réels que causaient les espèces concernées, la prudence voulait qu’on laisse faire la nature. C’était un article avant-gardiste qui avait jeté un pavé dans la mare alors que les associations ornithologiques soutenaient notamment l’éradication de l’Érismature rousse qui a malheureusement eu lieu.
Depuis lors, grâce à cet article et bien entendu beaucoup d’autres qui ont suivi, notamment lors d’une polémique sur l’Ibis sacré, les organisations naturalistes et ornithologiques soutiennent de moins en moins les éradications. Sur la page de cet ibis, on y cite Jacques Tassin (CIRAD de Montpellier) qui exprime une phrase illustrant parfaitement l’évolution des mentalités.
“[…] toute espèce invasive a nécessairement un intérêt écologique. Prenez l’exemple du Séneçon du Cap. Il y a vingt ans on en parlait comme d’une terrible menace pour le sud de la France. Mais aujourd’hui, on observe qu’il est contrôlé par un puceron, qui lui même alimente des coccinelles. Toute espèce nouvelle est immédiatement insérée dans une chaîne d’interactions dont nous ne voyons le plus souvent que ce que nous voulons bien observer.”
Le monde scientifique a désormais compris que les espèces invasives sont rarement un problème mais, au contraire, une solution choisie intelligemment par la nature. Il y a des exceptions à étudier sur des petites îles, et ne pas confondre des espèces bien adaptées aux nouvelles conditions écosystémiques avec des populations entretenues artificiellement par l’homme comme des animaux domestiques qui, eux, posent de sérieux problèmes (voyez notre vidéo sur les chats domestiques).
La priorité de cet article n’est donc pas la démonstration scientifique, bien que la logique soit très solide, mais surtout de simplifier les explications pour les rendre compréhensibles pour le plus large public qui voit encore, bien souvent, les jolies perruches, ouettes, martins, capucins et autres comme des menaces alors qu’ils viennent enrichir efficacement la biodiversité des régions anthropisées où les écosystèmes sont mis à mal par les activités humaines.
Vous pouvez commenter et poser vos questions ci-dessous ou nous rejoindre sur le groupe Econaturalistes.
Valéry Schollaert – dernière mise à jour le 7 avril 2020
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Bonjour,
Très intéressant merci!
Quid des des espèces comme le crapaud buffle (grenouille taureau) ou les tortues de floride (commerce d’animaux exotiques, tuant nos cistudes) ?
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C’est pareil pour tous : les cistudes n’ont pas attendu les tortues de Floride pour diminuer.
Le Crapaud buffle était considéré comme un des pires envahissant en Australie, mais les études récentes montrent ce que je dis dans l’article : son impact dans la milieux naturels est minime ; le problème vient des milieux dégradés par nous. Les écosystèmes changent, par nos activités, et ce ne sont donc plus les mêmes espèces qui sont idéales.
Accuser la tortue de Floride de faire disparaître “nos” cistudes, c’est comme accuser la roue de secours d’avoir crevé le pneu d’origine…
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Superbe démonstration, pour ceux qui en ont besoin. Ce n’est pas mon cas, mais j’apprécie le travail bien fait et quand j’en partage l’esprit et la lettre c’est encore mieux. Vive les envahisseurs et les nuisibles qui ne le seront jamais autant que nous le sommes. Merci
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Attention à la validité scientifique de ce que vous avancez. Si je suis d’accord qu’il ne faut pas considérer toutes les espèces exotiques comme négatives, cet article est bourré d’erreurs et simplifications. Je suis écologue et travaille sur les espèces invasives, et je peux assurer que des tas d’affirmations lues ici (les espèces invasives n’occupent que des niches libres, que des écosystèmes déjà perturbés, augmentent d’office la biodiversité…) sont totalement fausses et vont à l’encontre de conclusions tirées par des milliers d’articles scientifiques que les 15 dernières années. J’essaie de convaincre les gestionnaires forestiers de préférer les espèces natives, pourvoyeuses de biodiversité et de services ecosystemiques, à la place de résineux américains. Car oui, les invasions ont lieu aussi au plus profond de la forêt, plus lentement certes, avec des impacts à long terme très importants sur la structure forestière. Ce genre d’article qui va totalement en sens opposés (en laissant faire la nature-alors que c’est bien l’homme qui est responsable de ces modifications en important des tas d’espèces sans se préoccuper des conséquences) ne nous aide vraiment pas.
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“cet article est bourré d’erreurs et simplifications.”
C’est votre avis, mais je doute que vous compreniez bien de quoi vous parlez.
” Je suis écologue et travaille sur les espèces invasives”
Il y a des gens qui travaillent mal, votre argument d’autorité est sans intérêt. Je suis ornithologue depuis 35 ans, je pense avoir plus d’expérience si on compare les CV.
“vont à l’encontre de conclusions tirées par des milliers d’articles scientifiques que les 15 dernières années.”
C’est justement pour ça que j’écris : il est temps que la science arrête de dire des c*nneries.
“Car oui, les invasions ont lieu aussi au plus profond de la forêt”
Je vous défie de me montrer trois exemples.
“Ce genre d’article qui va totalement en sens opposés (en laissant faire la nature”
C’est exactement le but : laissez faire la nature, À tous les niveaux d’ailleurs, pas seulement concernant les introduits.
“l’homme qui est responsable de ces modifications”
Oui, donc nous devons changer de comportement. C’est bien ce que je demande :; arrêtez de gérer les populations, les écosystèmes, on fait pire que mieux à chaque fois. Il faut s’attaquer à NOS activités qui sont la source de tous le problèmes.
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Je suis quand même dubitatif. Quid des lapins en Australie? Des rats qui déciment les colonies d’oiseaux sur les îles? Prenons l’exemple des chats introduits sur les îles Kerguelen et qui s’y sont maintenant établis, effectivement ils occupent une niche écologique jusque là vacante, mais les oiseaux qui y nichent on évolué très longtemps en l’absence de genre de prédateurs et se font décimer. Cet exemple ne serait-il pas un contre-exemple évident des points A, B, C et D au moins? Et c’est loin d’être le seul contre-exemple qui ne vient en tête.
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Salut Thomas,
Je pense que tu n’as pas bien lu l’article.
Tu dis : “Prenons l’exemple des chats introduits”
Les chats domestiques, c’est une catastrophe, ce n’est pas le sujet de l’article. L’article parle des espèces sauvages qui n’ont pas été modifiées par la domestication. J’ai toute une vidéo pour dénoncer les chats >>>> https://youtu.be/ENlhqHVkjpo
Tu dis : ” Des rats qui déciment les colonies d’oiseaux sur les îles?”
Tu n’as pas lu la deuxième phrase de l’article “Il y a, il est vrai, de rares exceptions dans des zones géographiques spéciales comme les petites îles.”
Tu parle des lapins en Australie “Quid des lapins en Australie?”
Lui est un exemple qui confirme mes propos. C’est grâce aux lapins que les Aigles d’Australie se portent bien
>>> https://valeryschollaert.wordpress.com/aigle-daustralie-aquila-audax/
tout comme la Perruche à collier a sauvé la Faucon hobereau d’Angleterre.
>>> https://valeryschollaert.wordpress.com/faucon-hobereau-falco-subbuteo/
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