L’identification des oiseaux super-facile!
Un critère, deux exemples!
Étudier la mue et l’usure des plumes est une science complexe, et il n’est pas question d’être exhaustif ici. Au contraire, il s’agit d’un premier article sur le sujet (et pas le dernier !) qui se veut didactique et simple à comprendre. Nous invitons le lecteur intéressé par découvrir la formation des plumes et le vocabulaire du plumage à visiter cette page de futura-sciences.
Ici, nous allons voir comment utiliser pratiquement l’usure des plumes pour différencier les oiseaux juvéniles ou immatures de 1cy – 2cy (voir l’âge des oiseaux pour le vocabulaire) des oiseaux plus âgés, habituellement des adultes.
Voyez comme les plumes changent avec l’usure. Sur la photo ci-dessus, nous montrons deux Goélands cendrés différents, les deux âgés de moins d’un an, que l’on peut qualifier de 1er hiver (voyez ici notre article spécialisé sur l’âge des Laridae). Les plumes assez récentes ou “fraîches” sont brunes (flèche verte sur le gros plan ci-dessous) et les plumes usées pâlissent et deviennent blanchâtres (flèche rouge ci-dessous), surtout si elles sont exposées au soleil puissant. Un article de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique explique cette usure.
La différence entre les deux individus est simple : l’oiseau de gauche est pris en janvier et celui de droite en mars. Ces couvertures datent donc toutes du printemps de l’année d’avant (les couvertures des Larus ne muent pas la première année). Les couvertures de droite ont simplement deux mois d’usure de plus, mais tous les oiseaux n’usent pas leurs plumes à la même vitesse. Un point essentiel est la durée d’ensoleillement. Les oiseaux qui hivernent en Afrique pâlissent donc bien plus que ceux qui restent en Europe. La photo de gauche illustre un oiseau hivernant en Alsace. L’oiseau de droite est arrivé en Belgique en mars, probablement après avoir hiverné dans le bassin méditerranéen.
Voyons deux exemples très différents où l’usure du plumage peut être utilisée facilement pour distinguer un jeune oiseau d’un adulte.
1. Distinguer un passereau de “1ère année” d’un adulte
Rappelons que la majorité des passereaux ont la succession de mues suivantes : de quelques semaines à quelques mois après la sortie du nid, le juvénile effectue une mue partielle. Le plus souvent, cette mue touche des plumes du corps et change l’aspect juvénile de l’oiseau, mais ne concerne pas les plumes de vol et certaines couvertures alaires (ça peut varier selon les espèces).
En fin d’hiver ou au début du printemps (selon les saisons en Eurasie et en Amérique du Nord), ou tout simplement quelque six mois après la première mue qu’on appelle post-juvénile, le passereau effectue à nouveau une mue partielle et, sauf situation exceptionnelle, les grandes plumes de vol ne muent pas encore.
Il faut attendre la première mue complète, en été en Eurasie (donc environ 1 an et 3 mois après la naissance) pour que les principales grandes plumes soient enfin remplacées. À partir de là, presque tous les passereaux ont un plumage indiscernable des adultes plus âgés et les mues alternent entre des mues prénuptiales partielles (certaines espèces n’ont pas de mue prénuptiale et, dans l’autre sens, le Pouillot fitis est une exception notable qui change toutes ses plumes avant sa migration prénuptiale) et des mues post-nuptiales complètes.
Ci-dessous, un tableau qui résume la succession habituelle des mues dans les trois premières années de la vie d’un passereau typique, une grande majorité des espèces.
Le plumage juvénile est presque toujours très différent du plumage adulte, aucun souci d’identification. Après la mue post-nuptiale, la différence avec les adultes en plumage frais est plus faible, parfois très légère en fonction des espèces. Toutefois, les oiseaux 1cy non juvéniles, et 2cy jusqu’à la mue complète ont une partie de leurs plumes beaucoup plus usées que les adultes. Cette usure peut, dans certains cas, permettre une identification de l’âge.
Souvent plus important, l’usure est inégale chez les plus jeunes après leur première mue. Les adultes ont des plumes d’usure égale entre la mue post-nuptiale et la mue prénuptiale puisque la mue post-nuptiale est complète. À l’inverse, le 1cy mue partiellement, donc il a des plumes fraîches et des plumes usées qui doivent forcément créer des contrastes. Voyons un exemple très concret ci-dessous avec ces deux Choucas des tours pris en mars 2019 en Belgique.
En mars, les Choucas des tours ont des plumes vieilles d’environ 6 mois pour les adultes, mais certaines plumes ont près de 10 mois chez les 2cy (1er hiver) si l’oiseau est né en mai 2018, ce qui est probable, ou au moins 9 mois.
Cette usure inégale entre le manteau, qui est mué tous les 6 mois, et les grandes couvertures et rémiges, qui sont gardées un an voire plus, peut se voir grâce à des contrastes entre les plumes du même oiseau, et ne nécessite pas de comparaison entre deux individus. Toutefois, en ayant une photo côte à côte, c’est encore plus évident. L’oiseau marqué par des flèches est 2cy et l’autre est adulte. On voit sur l’adulte des plumes de couleur assez uniforme depuis le manteau jusque sur toutes les couvertures. À l’inverse, les grandes couvertures (flèche jaune) contrastent nettement avec le manteau et les scapulaires : elles sont plus brunâtres, plus ternes…. autrement dit, plus usées. L’état des rémiges, qui sont ici très abîmées (flèche rouge) confirme qu’il s’agit d’un 2cy. Ces rémiges sont très vieilles.
Ce genre d’observation peut se faire chez beaucoup d’oiseaux. Nous utiliserons l’usure comme critère dans divers articles d’identification. Le but affiché de cet article, non exhaustif, est de donner l’envie au lecteur d’ouvrir les yeux sur cet état des plumes. C’est une gymnastique qui permet, avec l’expérience, d’identifier des espèces très difficiles. En effet, des oiseaux au plumage quasiment identique comme la Rousserolle effarvatte et la Rousserolle verderolle, ou l’Océanite de Castro et l’Océanite de Monteiro, peuvent se distinguer à l’usure des plumes, car ces oiseaux, l’un par rapport à l’autre, ne muent pas au même moment.
2. Distinguer un rapace 1-2cy d’un adulte ou plus âgé (>2cy)
Les grands oiseaux, en particulier les “voiliers” comme les rapaces, ont une préoccupation que n’ont pas tellement les petits oiseaux ou les nageurs. S’ils muent beaucoup de rémiges d’un coup, comment vont-ils voler et chasser ?
Dès lors, la mue est progressive et symétrique. Deux ou quatre rémiges tombent (une ou deux par aile) puis les nouvelles repoussent avant qu’une autre série de deux ou quatre ne tombent et ainsi de suite.
Vous comprenez donc que, parmi les rémiges, il y aura des usées et des fraîches en même temps. Sauf… chez les juvéniles. En effet, les plumes juvéniles ont poussé alors que l’oiseau, encore oisillon, était au nid, toutes en même temps. Ainsi, frais ou moins frais, les juvéniles ont toujours une usure semblable pour toutes les plumes. Notez que l’usure affecte la couleur, mais aussi la forme de la plume. Ce sont les bouts des plumes qui souffrent généralement en premier de l’usure.
En pratique, il y a donc trois cas de figure.
1 – l’oiseau est en mue. Cela se reconnait le plus souvent par une ou plusieurs plumes manquantes ou plus courtes sur chaque aile de façon symétrique comme illustré ci-contre. L’oiseau n’est donc plus juvénile (par définition, un juvénile est un oiseau n’ayant jamais mué). C’est donc un adulte ou un immature de plus d’un an (>=2cy si on est dans la seconde moitié de l’année, sinon >=3cy).
2 – l’oiseau ne mue pas et toutes les plumes ont exactement la même usure, donc le bord de fuite est parfaitement dessiné, il forme une courbe fluide : c’est un juvénile (ci-dessous, à gauche).
3 – L’usure est irrégulière, donc le bord de fuite montre des “à-coups” ou des irrégularités, car certaines plumes sont plus longues et d’autres plus courtes. C’est un oiseau qui a effectué au moins une mue. L’oiseau est donc au moins de 3cy (ou de 2cy en fin d’année : octobre, novembre, décembre). Ci-dessous, à droite.
Pour bien comprendre, voici un gros plan des bords de fuite des Milvus migrans présentés ci-dessous. Ci-dessous, à gauche, le Milan noir adulte montre des rémiges qui varient légèrement de longueur alors qu’à droite, le juvénile qui n’est plus tout frais (de près, on voit des bouts de plumes effilochés – la photo est de janvier) montre des plumes dont les bouts constituent une courbe douce sans accroc.
Pour les puristes, notons que les deux Milans noirs adultes sont des Milvus migrans affinis et le juvénile est Milvus migrans linaetus. Les critères donnés ici sont valables pour tous les rapaces suffisamment grands. Les plus petits, comme les éperviers, muent suffisamment vite pour que le plumage adulte frais paraisse virtuellement aussi net que le plumage juvénile.
Vos questions sont les bienvenues sur le Forum Formation Ornitho de Facebook ou ci-dessous dans les commentaires. Il y a d’autres articles semblables sur notre page “Un critère, deux exemples”. Voyez aussi nos pages spéciales sur l’âge des oiseaux et “comment écrire le nom des oiseaux ?“.