Tourterelle vineuse – Streptopelia vinacea

Espèce de référence – publiée le 20 février 2018
Publication complète – famille des Columbidae (pigeons, tourterelles, colombars…)
En anglais : Vinaceous Dove in English

Streptopelia_vinacea_mainCette espèce est un exemple parfait pour illustrer, d’une part, le sens d’avoir une classification taxonomique des êtres vivants… et, d’autre part, la limite de cette classification. Pour cette raison, nous en faisons une espèce de référence, non pas en identification, mais en taxonomie. Comme vous le comprendrez en lisant cette page attentivement, la seule chose vraiment “spécifique” (au sens propre) de la Tourterelle vineuse est sa répartition géographique (de l’Ouganda et de l’Érythrée vers l’ouest jusqu’en Mauritanie); son chant rappelle celui de la Tourterelle du Cap (mais la note du milieu est “pure” comme les deux autres notes, alors qu’elle est “enrouée” chez la Tourterelle du Cap). Sinon, en quelque sorte, C’EST la Tourterelle du Cap… explications:

Illustration de la méthode Formation Ornitho

La méthode nous explique que pour visualiser la globalité des richesses naturelles de la planète, mieux mémoriser les connaissances et apprendre plus rapidement, efficacement, il est préférable de placer les informations au bon niveau taxonomique (le plus “haut” possible) au lieu de les classer ou les apprendre espèce par espèce.

Streptopelia_vinacea_1fr

Dans le monde, il y a 14 espèces de tourterelles placées dans le genre Streptopelia. Toutes ces tourterelles sont granivores; vous voyez certainement que c’est plus facile de retenir une fois cette information pour les 14 espèces au lieu de l’étudier pour chacune, donc 14 fois. Dans le cadre d’une encyclopédie telle que la nôtre, c’est beaucoup plus efficace de ne noter l’information qu’une seule fois au lieu de 14 ! C’est ainsi qu’en plus de pages décrivant les familles et les genres, nous publions des espèces “de référence”. En lisant cette page sur une espèce de référence, vous apprendrez, selon les cas (c’est précisé dans le texte), sur toutes les espèces du genre, voire toute la famille. Ainsi, pour connaître le régime alimentaire, le mode de nidification, les œufs, la parade nuptiale de la Tourterelle vineuse, vous pouvez lire la page de l’espèce de référence, la Tourterelle à collier. Ce qui y est écrit est valable pour la Tourterelle vineuse et toutes les autres Streptopelia. Un nombre limité de détails peuvent toutefois être spécifiques : par exemple, si la plupart des Streptopelia ne montrent pas de dimorphisme sexuel, la Tourterelle à tête grise (Streptopelia tranquebarica – page en construction), elle, est très dimorphique avec un mâle au corps rougeâtre contrastant avec la tête grise et une femelle gris-brun comme une Tourterelle turque. Ce sont ces informations-là qui sont intéressantes au niveau des espèces : celles qui diffèrent des informations concernant les autres espèces proches!

Dans notre cas, la Tourterelle vineuse est presque identique à la Tourterelle du Cap, en étudiant cette espèce vous saurez presque tout de la vineuse. La principale différence est géographique: elles se remplacent mutuellement, l’une à l’ouest et au nord (vineuse), et l’autre à l’est, au centre et au sud (du Cap) du continent africain (voir carte ci-dessous). Mais alors, pourquoi n’est-ce pas la même espèce?

Taxonomie

mapStreptopeliacapicola

Excellente question! Même type d’habitat, même comportement, parade semblable, même mode de reproduction, même nourriture…

Cette espèce monotypique ne serait-elle pas une “simple” sous-espèce de la Tourterelle du Cap ? Ce n’est pas une note différente (la note du milieu pure au lieu de roulée dans son chant composé de trois notes semblables) qui justifie la séparation en espèce! Ni ses couleurs un peu plus chaudes!

De plus, dans la zone de contact (à l’est du lac Albert, en Ouganda) ou zone de “parapatrie”, les oiseaux ont des gênes mélangés des deux taxons ! Ces constatations permettent d’une part d’approfondir la notion de classification des êtres vivants, sa subjectivité et de rappeler que la vie est en mouvement, en constante évolution, et qu’une classification rigide ne peut donc être qu’une approximation de la réalité à un moment donné… voyons ça.

Approfondissement – subjectivité de la classification et approximation du réel

Si un oiseau vit dans une région, par exemple l’Afrique noire, ainsi que dans une autre région géographique séparée, par exemple Madagascar, selon notre système de classification, nous savons qu’un jour, cet oiseau sera séparé en deux espèces distinctes. Toutefois, ce processus est lent et progressif. Si aucun changement géographique majeur ne provoque une remise en contact des deux populations (constituant actuellement la même espèce) nous savons que, dans tous les cas, elles formeront deux espèces différentes dans le futur. Chez les tourterelles, la durée de tout cela se chiffre en centaines de milliers d’années. Durant cette longue et lente évolution, le “moment” du basculement est totalement subjectif, et dépend d’une convention, d’une définition décidée par l’être humain qui n’a pas de réalité intrinsèque. Même si tout le monde était d’accord sur les définitions (et ce n’est pas le cas!), il y aurait quand même des discussions sur l’interprétation de la réalité. Un philosophe vietnamien, Thích Nhât Hạnh, comparait un jour la vie avec un océan. La vie est unique et éternelle, mais les vagues qui font partie de l’océan sont éphémères et uniques à chaque instant. Il expliquait cela pour les individus. Même la notion d’individu a des limites subjectives (nous étudierons cela dans un article “holistique”), mais des “groupes” d’individus ont forcément des limites floues et variables. Nos “espèces” sont comme une classification des vagues: des rouleaux, des crêtées, etc. Celles-ci varient avec le temps, et la limite est discutable dans beaucoup de cas. Une crêtée peut devenir un rouleau, et à quel instant accepterez-vous le changement de classification?

Dans le cas des vagues, le changement de catégorie peut se faire en quelques secondes, et finalement, c’est peu important, pourrions-nous penser. Mais ce moment de basculement, dans le cas de l’evolution des espèces d’oiseaux, peut durer des dizaines de milliers d’années, voire plus! Dans beaucoup de cas, nous sommes “en plein dedans”. Alors, comment s’accorder sur un choix plutôt qu’un autre? Comment décider si la Tourterelle vineuse est encore une sous-espèce de la Tourterelle du Cap (elle l’a été longtemps, l’est-elle encore?) ou si c’est une espèce différente?

Ce serait assez facile de s’accorder si d’autres choses n’évoluaient pas aussi. En effet, à partir du moment où les deux populations seraient nettement séparées dans leur répartition (comme Afrique noire pour l’une et Madagascar pour l’autre), nous pourrions décider que tous les cas “limites” sont des espèces séparées! En effet, si ce n’est pas encore vraiment le cas, ça arrivera un jour ou l’autre. Notamment, en termes de conservation, protéger une espèce en devenir n’est-il pas aussi important que de protéger une espèce “juste” formée?

Le problème est que la géographie évolue aussi ; naturellement (suite à des éruptions, des mouvements tectoniques, etc.) et artificiellement.

Streptopelia_vinacea_3fr

Si la Tourterelle vineuse et la Tourterelle du Cap étaient séparées géographiquement, il n’y aurait aucun doute possible, ce seraient deux espèces “formées” ou “en formation”, et les séparer dans notre système de classification serait alors parfaitement logique. Néanmoins, maintenant que la forêt est coupée par l’être humain, que ces deux tourterelles en profitent pour s’étendre, elles cohabitent abondamment dans une grande région d’Ouganda. Et là, elles s’hybrident et produisent des jeunes au moins partiellement fertiles. Ainsi, les gènes circulent entre les deux. Que va-t-il se passer? Est-ce que le processus de spéciation en cours est seulement ralenti ? Interrompu ? Voire un processus inverse, de “fusion” des deux espèces est-il en marche ? Nous ne le savons pas. Ne le sachant pas, et étant en plein dans un cas qui ne correspond en rien à notre système de classification, le choix de garder deux espèces ou non est arbitraire, et quel que soit le choix effectué, il ne décrira pas la réalité de façon satisfaisante.

Au passage, cet exemple illustre parfaitement la notion d’allo-espèce (ici deux allo-espèces : espèces différentes dont la barrière génétique entre les deux n’est pas encore totale) ; ce sont donc des espèce-sœurs (elles sont plus proches l’une de l’autre que de tout autre taxon).  On regroupe les deux dans une super-espèce : en effet, même si on est d’accord qu’au stade actuel des connaissances, ces deux oiseaux forment deux espèces, elles forment, ensemble, une unité particulière et monophylétique. Celle-ci est appelée super-espèce et on la nomme Streptopelia [vinacea] ; vinacea plutôt que capicola car elle a été décrite en premier (en 1789 alors que capicola a été décrite en 1857).

Voyez les détails de son identification dans notre article “les tourterelles d’Afrique orientale et australe“.

Streptopelia_vinacea_2fr

[Espèce Nº51 du projet d’encyclopédie holistique]

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sommaire

Photos et textes © Valéry Schollaert 2018 – 2019

Liste des autres espèces illustrées : taxonomiquejour par jour

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3 thoughts on “Tourterelle vineuse – Streptopelia vinacea

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